Pour réussir à se recentrer, à trouver la liberté, accéder à notre intuition, il faut construire une saine relation avec ses abdos – la partie la plus animale de notre identité. Pour la plupart d’entre nous, le dialogue que nous entretenons avec nos propres abdos a été influencé, modelé, catégorisé et étiqueté par l’industrie du bien-être, le patriarcat, les opinions d’amis ou d’inconnus… n’importe quoi sauf notre propre pouvoir. Vérifiez vous-même, quelle relation avez-vous avec vos abdos ?
Pour la plus grande partie de ma vie, la seule relation que j’ai eu avec mes “abdos” était une relation d’effort physique, un effort constant pour avoir un ventre plus plat, plus musclé, plus fin. Je faisais du sport pour brûler des calories et je comptais les calories pour réussir à me débarrasser de la dernière couche de deux (ou quatre, ou plus – quelle que soit la situation de mon corps après un hiver new-yorkais) kilos.
Je portais des jeans taille haute en uniforme parce qu’ils me permettaient de masquer le petit gonflement restant, d’atténuer le besoin de rentrer le ventre. (C’est trop facile d’oublier, et oh catastrophe, d’autoriser son corps à occuper de l’espace). Ces actions sont des restes de troubles alimentaires qui avaient fait une terrible apparition au lycée et m’avaient poursuivie jusqu’à la moitié de ma vingtaine. C’était une maladie mentale. Mon corps était sain, semblait athlétique et le stress lié à mes abdos que je m’infligeais moi-même était, rétrospectivement, vain. Beaucoup de bruit pour rien.
Je ne dis pas ça pour minimiser mes troubles alimentaires, ou tous les troubles alimentaires, mais pour montrer que c’est tragique d’avoir perdu tout ce temps et toute cette énergie à rejeter mon corps à cause de sa forme naturelle, à me mépriser moi-même quand je n’arrivais pas à atteindre un ventre plat ou ferme et – je rajoute une troisième couche – à me méta-mépriser quand je me rendais compte que mon auto-critique devenait ingérable. Il commençait à atteindre mes relations avec mes proches. Et il faut reconnaître que c’était (et c’est encore) entouré d’une aura particulière de honte liée au fait d’être une femme blanche de 31 ans consciente de ses privilèges. Et pourtant, me voilà, à écrire sur ma relation merdique avec mon corps au lieu de consacrer mon temps et mon énergie à littéralement n’importe quoi d’autre de plus valable. C’est une vraie honte.
Et c’est très exactement pour ça que, je crois, je suis tombée malade. Vraiment malade. Le diagnostic a changé la manière dont j’interagis avec mon corps et je crois que c’était (c’est) le but. J’ai une maladie rare appelée une pancréatite auto-immune IGG4 et à cause de ça, je me suis retrouvée plusieurs fois à l’hôpital pour plusieurs jours d’affilée plus tôt dans l’année. Souvent, je ne pouvais pas manger et j’étais nourrie par des nutriments administrés par intraveineuses pendant longtemps, j’ai subi au moins neuf endoscopies cette année et maintenant, il faut que je suive un régime tellement sévère que je ne trouve plus vraiment de bonheur à manger. La douleur de la pancréatite m’a forcée à passer quasiment tout l’hiver à la maison et mes forces m’ont abandonnée. J’ai perdu environ 15 kilos et j’ai atteint mon poids le plus bas. Des abdos fermes ? Oui. Plats ? Oui. Satisfaite ? Non.
Avant cette crise de santé et la convalescente, je croyais inconsciemment (même après avoir fait beaucoup de thérapie et beaucoup travaillé sur moi-même) qu’un corps désirable était, bizarrement, la clé pour avoir du succès et se sentir aimée. Toutes les sortes d’amour – romantique, platonique et universel. Dieu merci, cette idée semble aujourd’hui complètement absurde. C’est vraiment stupide ! Je suis prête à passer à autre chose en sachant que ça ne me rend pas service, et surtout, que ça ne sert pas ma communauté. C’est invalidant pour la communauté. Ma maladie chronique m’a offert le don du temps et de l’espace : du temps loin du travail, loin des corvées de la vie quotidienne, et même loin de la nourriture. Une fois que l’on a approché la mort de près, les priorités et joies deviennent limpides et le fait de travailler pour avoir des abdos musclés n’en faisait pas partie. C’était une prise de conscience libératrice.
Ce n’est pas seulement mon bref contact avec la mort qui a catalysé une nouvelle et révolutionnaire relation à mes abdos. Avant ça, je m’accrochais doucement au mouvement du bien-être comme à une bouée de sauvetage, inspirée par l’idée de body neutrality, et je me donnais l’autorisation en observant des actes d’amour-propre, de gens qui prenaient soin d’eux, sur les réseaux sociaux. Le repos, la douceur, le fait d’être doux, tout ça était plus qu’autorisé. C’était, et c’est encore, encouragé comme un moyen de cultiver le pouvoir féminin. Ce que ça signifie de s’identifier comme femme sur cette planète a changé à tous les niveaux, et requiert une certaine douceur qui ne peut venir que du fait d’avoir trouvé son propre centre.
Et c’est un mouvement qui a commencé dans le bien-être. Particulièrement dans le sport où nous avons vu s’éloigner les cours intenses, masculins façon boot-camp qui promeuvent, vous l’aurez compris, les abdos fermes. A la place, des styles de sport et d’enseignement qui impliquent l’esprit, le corps, la respiration et parfois même l’âme à travers le pilates, les exercices de respiration, la méditation et le mouvement fondé sur la guérison encouragent une force douce. Se recentrer est un acte rebelle et c’est exactement le travail qui m’a le plus aidée à guérir.
Nous souffrons peut-être d’un burn-out à cause de cette industrie de l’attention, peut-être que la plupart d’entre nous n’ont pas un corps fait pour être super sportif, peut-être que le fait d’avoir à lire les journaux nous impose de nous confronter à cet espace primitif, les abdos. Avez-vous déjà fait cette expérience ? Quel type de changements avez-vous observés à l’intérieur de vous-même en lien avec les changements de “l’industrie du bien-être” ? Le fait de bouger et de respirer par le ventre est générateur, créatif, et plein de ressources – et c’est ce que toutes les souffrances, personnelle et planétaire, nous réclament.